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LES SILICONES

 

DEFINITIONS :

Les silicones ou polysiloxanes sont des dérivés organiques du silicium qui possèdent au moins une liaison silicium-carbone. Le silicium (Si 14) ne se trouve jamais à l'état natif, mais constitue sous forme de silice et de silicates l'élément le plus abondant, après l'oxygène, à la surface du globe. Les organosiliciés sont connus sous le nom de silicones (silcon: silicium en anglais).

I. PROPRIETES :

Les silicones ont des propriétés physico-chimiques qui les font considérer comme un compromis entre un composé minéral, la silice, et les polymères organiques. Ils sont ainsi dits neutres. Ils possèdent une bonne résistance à la chaleur, un caractère hydrophobe, une anti-adhésivité et, un faible coefficient de viscosité.

Les dérivés linéaires sont des fluides, huiles ou graisses suivant le degré de condensation.

Les fluides sont utilisés comme lubrifiants, liquides amortisseurs.

Les huiles pour le graissage à basse ou haute température.

Ces fluides entrent aussi dans la composition de certains fards utilisés en cosmétologie, de certains encaustiques et de certaines cires.

Leurs propriétés anti-adhésives les font utiliser pour le Sparadrap et équivalents dont les surfaces sont traitées et ne vont pas coller entre elles lors de la mise en rouleau.

Les résines sont des silicones tridimentionnels dont les applications industrielles sont nombreuses : peintures et vernis, stratifiés.

Les gels, les gommes, les polymères de silicone et d'additifs variés ont de nombreuses applications en médecine.

II. UTILISATION DES SILICONES :

Les propriétés physiques des silicones ont fait que l'utilisation de ces produits s'est généralisée en médecine au cours des quatre dernières décennies. La silicone dans l'organisme humain est toujours exogène. Les molécules de silicone sont introduites dans le corps humain dès la naissance. On estime à environ 6 g, la quantité de silicone présente dans l'organisme d'un adulte (129).

Les huiles de silicone sont utilisées comme lubrifiants d'aiguilles, de seringues et d'instruments de chirurgie mais aussi comme anti-mousse dans les colles, comme anti-adhésifs dans certains pansements, et surtout en cosmétologie dans certains fards.

Les gels de silicone sont une trame de polymères et sont utilisés pour les "implants mous": implants mammaires, testiculaires ou de menton.

Il existe deux types d’implants mammaires :

  • une enveloppe en silicone avec un contenu en sérum physiologique d'une part,
  • une enveloppe en silicone et un contenu en gel de silicone d'autre part.

les gommes de silicone sont obtenues par vulcanisation et sont utilisées comme pansements de brûlure, support de médicaments transcutanés, sondes, implants durs et pour le recouvrement des pace maker ou en injections dans le traitement des rides et cicatrices(88).

 

 

 

III. COMPLICATIONS DES IMPLANTS DE SILICONE :

1) Complications loco-régionales :

Elles ne sont pas l'apanage des seules prothèses mammaires. Elles sont responsables de réactions retardées inflammatoires de type granulomes à corps étrangers, plus souvent appelé siliconomes (10,45).

Les lésions cutanées et sous-cutanées peuvent s'ulcérer et se surinfecter. Elles rendent alors nécessaire l'ablation des prothèses (75).

les complications loco-régionales sont plus souvent rapportées après utilisation de silicone injectable:correction des rides, cicatrices d'acné, atrophie faciale... .

Les signes cliniques sont multiples: douleur, œdème, érythème, ecchymoses, généralement passagers, dont la seule conséquence semble être une gêne transitoire. Parfois il s'agit de complications infectieuses ou de lésions inflammatoires évoluant vers la chronicité avec réactions granulomateuses. Les implants solides (menton, implant orbitaire, malaire, orthopédique) donne le plus souvent lieu à des complications mécaniques à type de déplacement de l'implant et plus rarement à des réactions granulomateuses(1)

 

2) Complications systémiques :

Les controverses principales qui opposent les partisans et les détracteurs des prothèses pré-remplies ont pour objet le rôle supposé de la silicone dans le déclenchement de certaines affections auto-immunes(78). Les cas sont peu nombreux et leur recensement est difficile. Quelques-uns sont sans doute comptabilisés à plusieurs reprises dans les mêmes statistiques, les patientes ayant été examinées successivement par des praticiens de spécialités différentes. (6,7,9,139,140,143,158,160)

En raison du nombre considérable de femmes ayant des prothèses mammaires (estimé à plus de 5 Millions), il est logique d'observer chez ces femmes de multiples phénomènes pathologiques. Sur un plan général, pour savoir si la survenue de ceux-ci est fortuite ou si elle est induite par la silicone, il faut pouvoir calculer le nombre de cas identiques qui seraient " attendus" dans une population statistiquement comparable mais n'ayant pas d'implant d’autant que la prévalence de telles pathologies est faible.(172,183)

Il est plus difficile d'établir cas par cas une relation de cause à effet entre une maladie systémique et la silicone. Parmi les critères retenus, certains sont assez évocateurs :

- apparition des symptômes dans le site de l'injection ou de l'implantation;

- régression de la maladie après l'ablation du matériel prothétique ;

- présence de silicone dans les granulomes inflammatoires, à distance de la prothèse et dans le système réticulo-endothélial ;

- découverte d’anticorps anti-silicone chez les patients concernés (argument rejeté actuellement par la FDA).(164,165,168,179,180

Les pathologies incriminées sont les suivantes : (25,29,30,33,43,52,53,69,72,77,80,88,90,102)

Il s'agit de tableaux de connectivites, et au premier plan de sclérodermie (25%)[184], parfois de morphée, de polyarthrites (15%), lupus systémiques (15%), thyroïdites auto-immunitaires(194), syndromes secs de Goujerot-Sjögren, purpuras thrombopéniques, polymyosites, syndrôme fébrile avec polyadénopathies, connectivites dites mixtes, lymphomes cutanés et de tableaux appelés "maladie humaine à adjuvant".

Ce terme de "maladie humaine à adjuvant " a été utilisé par un japonais MIYOSHI (131) en 1964 pour caractériser l'existence de signes cliniques non spécifiques survenant plusieurs années après injections de substances étrangères ou la mise en place d'implants en silicone ou en paraffine dans un but esthétique. Ces manifestations sont caractérisées par des arthralgies, des adénopathies, des lésions cutanées différentes de la sclérodermie, ceci associé à la présence de facteurs rhumatoïdes et d'anticorps anti-nucléaires circulants ainsi qu'à une image histologique de réaction à corps étranger dans les ganglions lymphatiques.

Ces manifestations ont été principalement décrites après pose d'implants mammaires, mais rapportées également après pose d'implants solides en chirurgie réparatrice maxillo-faciale et orthopédique, et chez des trans-sexuels après injection sous-cutanée de silicone liquide.

 

3) Liens de causalité (revue de la littérature) :

  • Les premières publications concernant le risque de connectivite dû au silicone datent de 1969: il s'agissait de sujets ayant subi des injections de silicone dans un but cosmétologie ou de réparations (effacement ou réfection du visage après traumatisme).

  • En 1979, dans une revue de la littérature japonaise, Kumagai classe les 46 cas décrits dont 18 observations personnelles ayant un suivi moyen de 13,9 ans, en deux groupes d'affections survenant aussi bien avec la paraffine qu'avec les silicones. Le premier groupe compte 24 patientes atteintes de diverses connectivites :

  • sclérodermies avec lésions localisées ou diffuses, polyarthrite rhumatoïde et syndrome sec de Gougerot-Sjôgren, lupus érythémateux disséminé, polymyosite et thyroïdite d'Hashimoto.

Le second groupe rassemble 22 patientes, atteintes d'une affection auto-immune inclassable parmi les précédentes, appelée dès 1964 par Miyoshi(131) " maladie humaine à l'adjuvant ", en raison de ses parentés avec les arthrites déclenchées chez le rat par l'adjuvant de Freund (suspension dans une huile minérale de BK tués). Elle se caractérise au plan clinique par des arthralgies inflammatoires et des adénopathies, au plan histologique par des réactions granuleuses autour de corps étrangers intra-ganglionnaires et enfin au plan biologique par la présence d'anticorps anti-nucléaires et de facteurs rhumatoïdes.

Il faut noter que dans cette compilation, la majorité des sclérodermies systémiques étaient éventuellement imputables à la paraffine et non à la silicone et que dès cette époque on signalait quelques cas de guérison après l'ablation de la substance injectée. Enfin quelques observations de maladies auto-immunes ont également été publiées avec des prothèses remplies de sérum physiologique.

  • Aux États-Unis, le premier cas de maladie humaine à l'adjuvant est publié en 1983 par Baldwin et Kaplan.

  • En octobre 1992, au cours de la 56e réunion annuelle de l'American College of Rheumatology, une quinzaine de communications ont traité des rapports entre silicone et maladies systémiques et 260 nouvelles observations ont été collectées. Leur nombre, quoiqu’en augmentation croissante serait sous-estimé, certains spécialistes renonçant à publier ce qu'ils considèrent comme des notions définitivement acquises.

 

  • Aux États-Unis, en avril 1992, un groupe d'experts choisis par la FDA a abouti à la conclusion qu'il n'y avait pas de statistique démontrant que les silicones étaient directement impliquées dans la survenue des maladies systémiques. En attendant que des recherches plus approfondies puissent donner une réponse définitive, les experts ont recommandé à la FDA de réserver temporairement les prothèses de silicone aux reconstructions mammaires(46,113).

  • En 1993, une étude de Schusterman (120,172) montre que les maladies auto-immunes ne sont pas plus fréquentes chez des femmes mastectomisées ayant reçu des implants de silicone que chez celles dont la reconstruction mammaire a été effectuée par des homogreffes, sans prothèse.

  • Une étude exhaustive de la bibliographie et des publications cliniques (bull acad med 1995) a montré que les sujets atteints avaient un implant datant en moyenne de 8,9 ans, qu'ils avaient des signes de formation capsulaire dans 32% et que 50% avaient des anticorps anti nucléaires. Pour 400 patientes porteuses de prothèses et souffrant de symptômes rhumatismaux, les auteurs ont trouvé :

    • 60% de myalgies et arthralgies sans anomalie biologique,
    • 21% de polyarthrites ou ologo-arthrites séro-négative,
    • 13% de connectivites : lupus érythèmateux, connectivites dites mixte, sclérodermie, polymyosite, syndrome de Raynaud.
    • 6 cas de connectivite indifférenciée.

Récemment:

  • ALAN (6) dans son étude comparative sur deux groupes de patientes n’a pu mettre en évidence aucune relation entre la survenue de connectivites et les implants mammaires pré-remplis de gel de silicone .

  • Un site internet du ministère de la santé anglais (MDA) est consacré aux implants mammaires pré-remplis de gel de silicone et présente les conclusions et les recommandations d’un groupe de travail indépendant (8,169).(Site :WWW silicone.review.gov.UK.).

 

4) Mécanismes pathogéniques incriminés: (102,109,114,115,119,120,121,126)

Ils restent imprécis. En effet il n'existe qu'une seule certitude, c'est la constatation possible de macrophages, de cellules géantes parfois nombreuses et de lésions granulomateuses; les siliconomes, dans le tissu péri-prothétique, dans les ganglions lymphatiques satellites ou parfois à distance. Ceci indique qu'il existe une réaction inflammatoire chronique locale, régionale et donc parfois systémique. Le rôle de la silicone est certain mais les mécanismes pathogéniques ne sont pas clairs. (183,188,189,201,202,204)

En microscopie électronique et après analyse par diffraction de rayons X, le silicium à pu être montré à distance de la prothèse, dans le tissu inflammatoire et à l'intérieur de cellules mononuclée. Chez l'animal, l'injection de silicone est responsable d'une réaction inflammatoire locale et régionale comparable, ainsi qu'une sensibilisation ultérieure.

 

 

 

La silice est un irritant connu. La réaction inflammatoire peut dans certains cas être liée à la présence de silice elle-même dans les implants et à la fuite de celle ci avec le temps. D'anciens travaux ont déjà montré l’augmentation de la prévalence de sclérodermies généralisées chez des mineurs exposés à la poussière de silice, atteins ou non de silicose pulmonaire ; c'est le classique syndrome d'Erasmus. Enfin, la transformation des silicones en silice ne peut être exclue, cette transformation pourrait avoir lieu in situ autour de l'implant après extrusion de la silicone, ou même à distance par oxydation de la silicone.

 

 

IV. CONCLUSIONS:

Il existe de nombreux cas dans la littérature, mais aucune série publiée assez importante pour conclure définitivement sur le sujet (162,169,172,183) . Il n'existe aucune preuve tangible scientifiquement reconnue d'augmentation du risque de maladie auto-immune sur prothèse pré-remplie de gel de silicone (53).

Du point de vue mathématique pour mettre en évidence un simple doublement du risque de sclérodermie systémique (incidence annuelle de 1,6 pour 100.000) il faudrait étudier pendant dix ans un groupe de 62.000 femmes implantées et les comparer à 124.000 femmes témoins. On comprend facilement les limites et les contraintes de telles études épidémiologiques(75).

La prévalence de la sclérodermie dans la population est de 15 nouveaux cas par million d'habitants et par an (29,191).

Les études statistiques ne peuvent démontrer actuellement qu'il existe une relation de causalité entre la pratique d'implantation de silicone sous quelque forme que ce soit chez l'homme et l'existence ultérieure de manifestations inflammatoires et /ou immunologiques locales ou systémiques.

Il n'en reste pas moins que de nombreuses publications font état de manifestations systémiques après pose d'implants mammaires, et que le risque de réactions granulomateuses locales soit bien documenté.

Il convient de distinguer l'attitude à observer devant une patiente qui nécessite une reconstruction mammaire après cancer du sein et devant les patientes désireuses d'une augmentation mammaire à but esthétique (et enfin les injections de silicone).

Enfin il faudra évaluer l'attitude à avoir chez des patientes porteuses de prothèses en silicone et présentant des manifestations systémiques (sclérodermie ou autres) justifiant vraisemblablement de l'ablation de ce type de prothèse. Il ne peut en être ainsi quand il n'existe que des symptômes assez vagues (asthénie chronique, arthralgies..) surtout avec un bilan biologique normal.

 

 

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